Il a été l’un des soldats amérindiens des plus décorés de l’histoire militaire canadienne, mais bien peu de gens ont entendu parler de Francis Pegahmagabow.
Du moment où il s’est enrôlé en septembre 1914 et jusqu’à la fin de la Grande Guerre, le 11 novembre 1918, Francis Pegahmagabow a été au combat. Des 600 000 Canadiens qui ont servi au sein du corps expéditionnaire canadien de l’armée de l’Empire britannique, il fait partie du groupe restreint de 39 militaires canadiens à avoir reçu la médaille militaire avec deux barrettes en signe de bravoure au combat.
Dans un coin reclus, calme, du vieux cimetière de la nation amérindienne Wasauksing, sa pierre tombale militaire est là. Par contre, la légende du caporal Pegahmagabow est bien vivante depuis près de cent ans dans la réserve de Wasauksing sur la rive Est de la Baie Georgienne dans le moyen nord ontarien.
Francis Pegahmagabow était un fier membre de la nation ojibwa Wasauksing. Il a tour à tour été musicien et pompier maritime sur les navires-laquiers des Grands Lacs.
Selon la légende qui entoure l’homme, lors d’un de ses voyages sur les Grands Lacs, un médecin traditionnel ojibwa lui aurait dit qu’un jour, il affronterait de graves dangers. Le shaman lui aurait donné une pochette de cuir qu’il devait conserver sur lui afin de rester en sécurité.
Puis, vinrent la Première Guerre mondiale et l’appel sous les drapeaux. Dès le début du conflit en Europe, le gouvernement canadien d’alors décide d’exclure les membres des Premières Nations du service militaire obligatoire. On ne sait trop comment, mais Pegahmagabow a réussi à se faire enrôler.
Il a été l’un des premiers à le faire avec le 23rd northern Pioneers overseas contingent (trad.: 23e régiment des pionniers nordiques d’outre-mer).
Très tôt, il a compris à quel point « la guerre qui devait mettre fin à toutes les guerres» pouvait être cruelle. La guerre des tranchées, les attaques au gaz, les bombardements. Jour après jour, la réputation du jeune soldat se formait.
En tant que tireur embusqué il était d’une précision incroyable. Bien qu’il soit difficile de corroborer ces faits, il aurait tué 378 ennemis et participé à la capture de 300 soldats allemands.
Francis Pegahmagabow reçoit sa première médaille en 1916 pour avoir réussi à éviter des tirs nourris alors qu’il agissait comme estafette, transportant des messages importants d’une ligne de front à une autre.
Il reçoit la seconde lors de la terrible bataille de Passchendaele dans le pays flamand en Belgique en 1917 et une troisième quand, sous un tir nourri des lignes allemandes, il sort de sa tranchée et rapporte des munitions qui commençaient à manquer à ses confrères d’arme.
Touché une fois à la jambe, souffrant de pneumonie, il a continué quand même à combattre.
« En uniforme, il était considéré sur un pied d’égalité par les autres soldats. Il était même admiré pour son courage. Mais, à la fin de la guerre, il est redevenu Indien. Il faut se rappeler qu’en 1917, les Indiens n’étaient même pas considérés comme étant des citoyens canadiens » souligne à grands traits son biographe Adrian Hayes.
À la fin de la Grande Guerre, Francis Pegahmagabow était le militaire amérindien le plus décoré de l’histoire militaire canadienne. Il est revenu au Canada en héros … mais ce fut de courte durée.
Ses proches n’aiment pas vraiment s’étendre sur le sujet, mais ce héros de guerre canadien a connu après son retour des années de pauvreté et de persécution, les agents du ministère des Affaires indiennes d’alors contrôlant notamment sa pension d’ancien combattant et ses nombreuses tentatives pour se sortir du bourbier.
Francis Pegahmagabow et son épouse Eva ont eu six enfants. Il a été par deux fois chef de sa communauté. Il a écrit de nombreuses lettres de demandes de reconnaissances de droits au ministère, même au premier ministre; il a été à l’origine de la création des premiers mouvements de revendication de droits ancestraux autochtones au Canada.
Francis Pegahmagabow est mort à 64 ans. Ses poumons étaient tellement endommagés qu’il devait dormir assis pour qu’ils ne s’emplissent pas de liquide. Le 5 août 1952, c’est une crise cardiaque qui est venue à bout de l’homme.
En 2006, plus de 80 ans après qu’il ait quitté l’armée canadienne, la Défense nationale a fait amende honorable en érigeant un monument à sa mémoire à la base des Forces canadiennes de Borden en Ontario. La caserne du 3e groupe de patrouille des Rangers porte aujourd’hui son nom.
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