La chercheuse principale d’une nouvelle étude rendue publique cette semaine demande instamment aux autorités fédérales, provinciales et municipales au pays de se pencher rapidement sur les politiques en place en ce qui a trait aux eaux usées après avoir découvert que la présence de pilules anticonceptionnelles dans un cours d’eau avait amorcé une réaction en chaîne dans l’écosystème d’un lac qui avait eu pour effet d’avoir fait disparaître la presque totalité des poissons.
L’étude publiée dans la Philosophical Transactions of the Royal B lundi, démontre que l’introduction de petites quantités d’œstrogène dans l’eau d’un lac a mené à la destruction presque complète de la population du vairon à grosse tête – communément appelé un méné – car cela affectait directement sa capacité à des reproduire.
La chercheuse Karen Kidd de l’Université du Nouveau-Brunswick a mené l’enquête. Elle souligne que cette étude a commencé vers la fin des années ’90, quand des scientifiques du Royaume-Uni ont découvert que des poissons mâles arrivaient à produire des œufs quand de l’œstrogène était introduit dans leur habitat.
Karen Kidd et ses collègues ont voulu vérifier si cette découverte s’appliquait au vairon à grosse tête d’une part, et si l’ajout d’œstrogène dans l’écosystème d’un lac pouvait avoir des effets sur une plus grande échelle sur cet écosystème.
En 2001, les chercheurs ont commencé à introduire de petites quantités d’œstrogène dans l’eau douce d’un lac en Ontario où est situé un centre de recherche.
« Immédiatement, les poissons mâles ont réagi à l’exposition à l’œstrogène en produisant des protéines contenues dans le jaune d’œuf. Peu de temps après, ils ont produit des œufs. En fait, ils étaient féminisés, » de dire la Dre Kidd.
Peu de temps après l’introduction de l’œstrogène dans l’écosystème du lac, le nombre de vairons à grosse tête a commencé à chuter pour tomber à 1% de la population normale.
« Cette réaction quasi immédiate et si dramatique était totalement inattendue, ajoute-t-elle.
Effet domino
Karen Kidd ajoute qu’un effet domino se fait sentir chez les autres espèces de poissons. Ainsi, la truite grise, principal prédateur du vairon à grosse tête, voit décliner sa population. Quant aux insectes, source principale d’alimentation du vairon, leurs populations augmentent.
On retrouve au Canada plusieurs endroits où les poissons ont été féminisés à cause des eaux usées des villes et municipalités déversées dans les cours d’eau.
« On n’a qu’à penser à Wascana Creek en Saskatchewan, à la Grand River dans le sud-ouest de l’Ontario ou encore à la rivière South Saskatchewan dans le sud de l’Alberta. »
Féminisation des poissons dans les rivières de l’Alberta
« C’est un problème que nous pouvons résoudre en améliorant nos pratiques de traitement des eaux uses » d’ajouter la chercheuse Karen Kidd.
Une bonne nouvelle
S’il y a une bonne nouvelle dans cet exercice, c’est que dès que l’on retire l’œstrogène, la population des vairons à grosse reprend rapidement son niveau d’avant l’introduction.
« C’est donc une évidence, retirer ces produits chimiques des eaux usées avant de les déverser dans les cours d’eau aura des effets positifs en aval sur les populations de poissons, » affirme la Dre Karen Kidd.
Rappelons que le centre de recherche où cette étude a été menée, la Région des lacs expérimentaux – Un centre de recherche de renommée internationale regroupant 58 lacs d’eau douce dans le district de Kenora dans le nord-ouest de l’Ontario – a connu des heures sombres ces dernières années alors que le gouvernement fédéral canadien songeait à fermer ce centre afin d’économiser deux millions de dollars annuellement. Les gestionnaires du centre et les autorités fédérales en sont venus à une entente et le centre peut poursuivre ses recherches,
Karen Kidd affirme également que le travail de recherché qu’on y fait justifie amplement le maintien du centre de recherche. Elle souligne que les effets sur les écosystèmes de l’œstrogène contenu dans pilules anticonceptionnelles jetées aux ordures et qui se retrouvent dans les eaux usées puis dans les eaux des rivières et des lacs n’auraient jamais été découverts autrement.
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