Un auditeur nous demande de lui faire un portrait de la présence des sectes au Canada. À ce chapitre, la meilleure référence au pays demeure Info-Secte, qui débat en français et en anglais du visage contemporain des sectes en sol canadien.
Cet organisme se fixe comme but de venir en aide aux personnes qui ont été victimes d’abus à la suite de leur adhésion. Il affirme que la présence des sectes au pays est beaucoup plus importante qu’au moment de sa fondation en 1980.
La poussée des points de vue extrémistes et terroristes contribue beaucoup à cette impression. De fait, un grand débat a lieu au Canada comme en France autour du phénomène de la radicalisation des jeunes musulmans qui adopte au contact du web bien souvent des comportements qui s’apparentent à ceux exhibés par les victimes de sectes.
Une secte n’est pas seulement un groupe aveuglé par une série de croyances uniques et partielles, mais aussi une communauté réelle d’hommes et de femmes qui entretient une proximité physique et forme un clan exclusif et fermé dans un lieu géographique donné. Selon cette définition, les jeunes terroristes ou brebis égarées ne sont pas des membres d’une secte au sens conventionnel.
La France serait bien plus vigilante et moins tolérante dans ses définitions
Selon l’organisme public français responsable de la lutte contre les sectes, Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES), le Québec et le Canada demeurent des terres d’accueil importantes pour les sectes et leurs gourous.
La tolérance des autorités d’ici envers ces groupes leur fournirait une porte de sortie rapide lorsqu’ils sentent la pression sur eux augmenter en Europe.
En 2014, Serge Blisko, président de MIVILUDES, affirmait dans une entrevue accordée au journal La Presse : « On a beaucoup de mauvais sujets qui s’échappent au Québec parce que la législation est plus souple. » De façon générale, les pays européens, surtout la France, se sont donné des lois pour surveiller ces groupes, alors que l’Amérique du Nord considère la liberté religieuse comme sacrée.
« Le seul outil de lutte contre ces dérives est une association indépendante », concluait Serge Blisko en parlant de l’organisme Info-Secte.
Puisque le secret imposé ou volontaire entoure généralement les activités des sectes, il n’est pas surprenant que les Canadiens ne prennent connaissance de la présence d’une secte sur leur territoire qu’après une tragédie. Depuis 40 ans, le Canada a ainsi été témoin de la présence de sectes dont les actions incroyables ont fini par exploser à la une de tous les journaux.
La secte de Roch Moïse Thériault qui prédisait la fin du monde
La terrible histoire de Roch Thériault, dit Moïse, reste gravée dans notre mémoire collective. Pendant plus d’une douzaine d’années, il a dominé les disciples de sa secte en leur faisant croire que la souffrance et la douleur infligées leur ouvraient les portes du ciel.
De 1977 à 1989, il a dirigé d’une main cruelle la secte dont il était le fondateur, qui comptait 12 adultes (10 femmes et 2 hommes) et quelques enfants, tout d’abord au Québec, dans une forêt de la Gaspésie, puis en Ontario à la suite d’une première arrestation en 1984.
Il a causé des blessures mortelles à un enfant de 3 ans en lui pratiquant une circoncision. Il a puni un disciple en l’émasculant, forçant l’un de ses fils à assister à l’opération. Il a pratiqué une amputation à froid au-dessus du coude à une de ses disciples. Ivre, il a tenté d’opérer à froid une autre membre avec un couteau pour lui retirer une partie de l’intestin. Elle en est morte après deux jours d’agonie.
Ce polygame qui était le père d’une trentaine d’enfants a fini par être condamné à la prison à vie le 18 janvier 1993 par un tribunal de l’Ontario.
Regardez :
La fin du monde selon Moïse Thériault – Radio-Canada
L’Ordre du temple solaire qui a fait des dizaines de victimes des deux côtés de l’Atlantique
L’Ordre du temple solaire (OTS) est connu pour ses suicides collectifs en France, en Suisse et au Canada. Ils ont fait 74 victimes en 1994, 1995 et 1997. L’affaire a été un facteur majeur du durcissement de la lutte contre les sectes en France et au Canada.
Le 30 septembre 1994, au Québec, cinq personnes sont retrouvées mortes dans un chalet dans un incendie criminel. Le 5 octobre 1994, en Suisse, 25 autres personnes et membres de la secte sont retrouvées mortes dans une ferme. Les victimes étaient, dans la plupart des cas, revêtues d’une cape rituelle blanche, noire ou dorée, selon le degré d’initiation atteint. Puis, le 16 décembre 1995, 13 adultes et 3 enfants ont été tués par balles dans une clairière isolée. Enfin, le 22 mars 1997, cinq autres membres sont retrouvés morts à Saint-Casimir-de-Portneuf, au Québec, dont trois Français.
Le coroner Yvon Naud qui avait enquêté sur ce dernier suicide collectif de l’OTS n’a fait qu’une recommandation dans son rapport : la mise sur pied d’un organe public d’information sur les mouvements sectaires, afin que les Québécois qui voudraient intégrer un groupe du genre puissent recevoir une information neutre sur le sujet. Cette proposition est restée lettre morte à ce jour.
Regardez :
L’Ordre du temple solaire 20 ans plus tard – Radio-Canada
Stéphane Berthomet, expert en affaires policières, revisite cette histoire.
La secte Lev Tahor qui s’est enfuie du Québec, puis du Canada
Réfugiés au Canada, 200 membres de la communauté ultraorthodoxe Lev Tahor s’étaient établis à Sainte-Agathe-des-Monts dans les Laurentides au début des années 2000. Ils ont fini par fuir dans le sud de l’Ontario en novembre 2013 puis, quelques mois plus tard, au Guatemala.
Alertée par des citoyens, la Direction de la protection de la jeunesse au Québec (DPJ) avait multiplié sans succès les interventions pour retirer 134 enfants de la communauté parce qu’elle craignait, notamment, que certaines jeunes filles de moins de 14 ans ne soient mariées de force. La secte vivait repliée sur elle-même et les enfants qui recevaient des punitions physiques étaient élevés dans la peur d’autrui et en vertu de règles d’hygiène douteuses.
La Sûreté du Québec soupçonnait aussi les dirigeants de la communauté de s’adonner à la traite de personnes. La DPJ avait accepté une demande de délai de la Sûreté du Québec, qui voulait approfondir une enquête criminelle.
Toute cette sombre affaire a terni la réputation des policiers. Elle a fait dire à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec que la liberté de religion ne peut en aucun cas constituer un prétexte à la maltraitance et à la négligence et qu’il était essentiel que tous les organismes qui ont à intervenir dans ce type de milieu comprennent mieux à l’avenir les intérêts publics en cause et privilégient, dans tous les cas, la protection des droits de l’enfant.
Regardez :
Le fondateur de la secte juive ultraorthodoxe se défend – Radio-Canada
RCI avec Wikipédia et la contribution de Guy Gendron et Émilie Dubreuil de Radio-Canada
Découvrez :
Y a-t-il encore des sociétés « secrètes » au Canada et au Québec?
– Parmi toutes ces sociétés qu’on dit secrètes ou « discrètes », la plus célèbre au Canada est sans doute la franc-maçonnerie.
– Cette organisation dont les origines modernes remontent à 1717 est toujours très active et regroupe 200 000 membres au Canada, dont 4 500, au Québec.
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