Peu importe l’angle par lequel on observe la chose, peu importe l’organisme qui compile les données, les constatations se confortent année après année : les personnes issues de la diversité sont confrontées aux discriminations de toutes sortes au Québec. Sans affirmer que la société québécoise est raciste, certains groupes soutiennent qu’il existe, dans la province, un « racisme systémique ». Et ils demandent la tenue d’une commission publique sur le sujet, bien qu’ils reconnaissent le caractère délicat d’un tel exercice.
D’abord, c’est quoi donc, ce fameux « racisme systémique »? Selon le Barreau du Québec, il s’agit de « la production sociale d’une inégalité fondée sur la race dans les décisions dont les gens font l’objet et les traitements qui leur sont dispensés. L’inégalité raciale est le résultat de l’organisation de la vie économique, culturelle et politique d’une société ».
Pour La Commission sur le racisme systémique dans le système de justice pénale en Ontario, le racisme systémique fait référence aux processus de prise de décisions qui « introduisent la racialisation dans les systèmes quand les normes ou les critères sur lesquels reposent les décisions reflètent ou tolèrent certains préjugés contre les personnes racialisées. Les critères et les normes font partie des normes d’exécution d’un système et peuvent être officiels et explicites comme lorsqu’ils sont énoncés dans des lois, des politiques et des procédures. Ils peuvent aussi ne pas être énoncés dans des lois, des politiques et des procédures. Ils peuvent aussi ne pas être énoncés officiellement et découler des façons acceptées de faire les choses. »
Des « minorités visibles »… invisibles dans certains secteurs d’activité
Au Québec, selon Statistique Canada, ceux qu’on appelle les minorités visibles comptent dans leurs rangs davantage de chômeurs que le groupe majoritaire, que ces personnes soient nées au Canada ou à l’étranger. Un immigrant diplômé venu d’un pays développé a 60% plus de chances de décrocher un premier emploi que son homologue originaire d’un pays pauvre, d’après l’Institut de recherche et d’informations économiques du Québec. Le taux de chômage des Maghrébins et des Noirs est de deux à trois fois supérieur à la moyenne provinciale. La situation est identique, voire pire chez les Autochtones.
Pour la Commission-Jeunesse du Parti libéral du Québec, l’heure n’est plus aux constats mais à l’action. Réunis en congrès annuel les 13 et 14 août, les jeunes libéraux ont ajouté leur voix à celles qui réclament la tenue, «dans les plus brefs délais», d’une commission d’enquête publique sur le « racisme systémique » qui nuit à l’intégration des Québécois issus de la diversité.
Les jeunes libéraux font état de situations de disparités à l’égard de ces Québécois issus de la diversité. Des disparités qui nuisent à leur intégration. Pour Jonathan Marleau, le président des jeunes libéraux, chaque Québécois, qu’il soit issu de la diversité ou non, devrait avoir les mêmes opportunités. Cela est d’autant plus crucial que la proportion de Néo-Québécois est en croissance permanente.
Québec Solidaire, formation politique de gauche et troisième parti politique d’opposition à l’Assemblée nationale du Québec, réclame lui aussi la tenue d’une commission publique sur le racisme systémique. Quelle serait la pertinence d’un tel exercice et quels en seraient les effets? Nous avons posé la question à Andrès Fontecilla, président et porte-parole de Québec solidaire.
ÉcoutezAu moment où les jeunes libéraux demandaient au gouvernement de leur formation politique d’ouvrir le dossier du racisme systémique, à Montréal-Nord, un quartier multiculturel de la métropole québécoise, la 3ème édition du forum social Hoodstock battait son plein. L’événement intitulé cette année « Sommet noir », dénonçait le racisme anti-noir et plus précisément les brutalités policières dont les Noirs se disent victimes. Les participants au forum ont, eux aussi, demandé la tenue d’une commission publique sur le racisme systémique.
Au mois de mai déjà, de nombreuses personnalités québécoises avaient réclamé l’institution de cette commission d’enquête. Près de 1900 personnes avaient d’ailleurs signé une pétition à cet effet, sur le site de l’Assemblée nationale du Québec. Le candidat à la direction du Parti québécois, le député Alexandre Cloutier appuie lui aussi l’idée d’une commission sur le racisme systémique qu’il qualifie de bonne idée. « Non seulement je veux une commission, a-t-il dit, mais je veux qu’on aille beaucoup plus loin et qu’on pose des gestes dès maintenant ». Selon M. Cloutier, il ne fait pas de doute que les membres des communautés culturelles font l’objet de discrimination dans le marché du travail.
Le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, la seule personne habilitée à autoriser la tenue de la commission, s’est contenté de dire samedi que le racisme était « une question qu’il faut regarder avec ouverture et lucidité dans notre société ».
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