Les experts multiplient les avis selon lesquels le gouvernement fédéral peut difficilement réformer son mode de scrutin sans consulter au préalable la population par voie de référendum.
Le gouvernement de Justin Trudeau semble privilégier l’approche en comité où il siège en majorité, qui sillonnera le pays pour prendre le pouls de la population et remettre un rapport sur la question le 1er décembre prochain.
Les libéraux ont promis en campagne électorale que les élections de 2015 seraient les dernières à se tenir selon le mode de scrutin majoritaire uninominal à un tour. La question de la réforme électorale est cependant trop complexe pour être soumise à un référendum, a plaidé le premier ministre canadien en juin dernier.
Cette question sur la meilleure méthode accapare maintenant le devant de la scène, reléguant au second plan les discussions sur le fond et les détails des différents scénarios de réformes qui s’offrent aux Canadiens. Elle pourrait devenir l’une des plus importantes qu’aura à trancher le gouvernement de Justin Trudeau au moment de la reprise des travaux parlementaires cet automne à Ottawa.
Le Parti conservateur de son côté martèle qu’un tel changement majeur ne doit pas se faire sans d’abord demander l’avis de la population par référendum. Le débat sur la méthode semble donc dépasser celui sur le fond.
ÉcoutezPas de réforme du mode de scrutin possible sans référendum, selon Benoît Pelletier
Devant le comité spécial sur la réforme électorale, qui a repris ses travaux lundi à Ottawa, Benoît Pelletier, professeur titulaire à la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa a affirmé qu’il est lui aussi « très favorable à la tenue d’un référendum en pareille matière », a soutenu l’ex-ministre provincial québécois sous un gouvernement libéral. Benoît Pelletier enseigne le droit constitutionnel.
Une consultation est d’autant plus souhaitable que l’objectif d’une réforme est que la population ait davantage confiance en ses institutions démocratiques, a dit M. Pelletier.
« Je vois mal dans ce contexte-là comment on peut effectuer une réforme du mode de scrutin digne de ce nom […] sans qu’on demande à la population son opinion », a-t-il argué.
Des exemples et des précédents internationaux pour les Canadiens?
En Nouvelle-Zélande, les électeurs votaient de la même manière qu’au Canada, dans le cadre d’un scrutin uninominal majoritaire à un tour et le gouvernement avait organisé un référendum en deux étapes pour connaître l’opinion des électeurs néo-zélandais.
Le gouvernement leur a d’abord demandé s’ils désiraient un changement. Puis il leur a demandé d’indiquer leur préférence pour un type de scrutin. 85 % des électeurs ont appuyé un changement et 70,5 % ont voté pour un système proportionnel mixte. Les électeurs de la Nouvelle-Zélande ont voté de nouveau sur la question en 1993 et en 2011. Dans les deux cas, ils ont choisi de conserver le système proportionnel mixte qu’ils avaient adopté en 1992.
Plus récemment, en 2011, les Britanniques eux aussi ont pu s’exprimer par référendum sur le mode de scrutin au Royaume-Uni. Ils devaient choisir entre le système uninominal majoritaire à un tour en place et un système de vote préférentiel. Les Britanniques se sont clairement prononcés pour le statu quo.
Le prix à payer pour un référendum électoral canadien
La démocratie n’a pas de prix, dit-on, mais le coût de la tenue d’un référendum au Canada serait particulièrement élevé, 300 millions de dollars, selon les estimations du directeur général des élections (DGE), Marc Mayrand.
M. Mayrand comparaissait en juillet dernier devant le comité parlementaire chargé de conseiller le gouvernement sur la réforme électorale. Il s’y est fait très insistant, en affirmant qu’il ne fallait pas prendre à la légère l’ampleur de la tâche liée à l’adoption d’un mode différent de celui qui est actuellement appliqué.
Les ajustements – au système informatique d’Élections Canada, notamment – prendront deux ans au bas mot, selon lui. L’ajout d’un référendum compliquerait donc un peu plus la donne, puisqu’une telle consultation prendrait elle-même six mois à préparer.
Interrogé à sa sortie du comité, le député conservateur Scott Reid a qualifié le coût de 300 millions de dollars de « très raisonnable ».
Ce qu’en pensent les Canadiens
Les Canadiens pensent qu’un référendum sur la réforme électorale doit être tenu, selon les données d’un tout récent sondage réalisé par Insights le mois dernier et qui a interrogé environ 1000 Canadiens.
62 % des répondants ont dit dans ce sondage qu’ils étaient très satisfaits ou assez satisfaits du système tel qu’il est, avec 19 % affirmant qu’ils étaient « très satisfaits ». Seulement 25 % ont dit qu’ils étaient mécontents.
Près des deux tiers, soit 65 % des Canadiens, estiment qu’il est important de tenir un référendum national sur toute modification du système électoral. 17 % ont déclaré qu’un vote à la Chambre des communes était probablement ou certainement suffisant.
Toutes les données du sondage et la méthodologie ici
RCI avec la contribution de Marie Villeneuve et les informations de Raphaël Bouvier-Auclair de Radio-Canada
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