Comment le Québec doit-il réagir au vent de protectionnisme en provenance des États-Unis de Donald Trump? Le gouvernement libéral et le Parti québécois sont à couteaux tirés sur cette question. L’un et l’autre s’accusent respectivement de « repli sur soi » et d’absence de « nationalisme économique ».
Lors du dernier conseil national du Parti québécois, le 15 janvier, son chef, Jean-François Lisée a annoncé son intention de s’inspirer du « Buy American Act » pour favoriser l’achat local advenant une victoire de son parti en 2018.
Le ministre libéral des Finances, Carlos Leitao, croit au contraire qu’une telle disposition serait une « erreur monumentale ». M. Leitao estime qu’il est « contre-productif » et « aberrant » de se « replier sur soi-même » et de « se contenter de notre marché local ». Le chef du Parti québécois, Jean-François Lisée, a répliqué dimanche que le message de la politique libérale est que le Québec est « impuissant », et qu’il est « à vendre ».
Répliquer à Trump
Lisée ne pense pas que la priorité à l’achat local soit contraire à une ouverture au libre-échange. En entrevue dimanche, M. Lisée a notamment fait valoir qu’il fallait contribuer à une plus grande propriété québécoise de notre économie, « tout en se projetant encore plus sur les marchés étrangers ».
« Les Américains ont fait deux choses en même temps, selon M. Lisée : signer des accords de libre-échange, et s’assurer qu’ils défendaient leurs emplois. Alors je pense qu’on aurait dû faire la même chose depuis le début. Ce que fait M. Trump de totalement condamnable, c’est de mettre des tarifs douaniers de 20 % à l’entrée pour tous les produits mexicains, ça c’est du protectionnisme, et ça c’est aberrant »
« Lorsque le métro de New York achète de nouvelles rames, il réclame 60% de contenu américain, ce qui explique pourquoi Bombardier a une usine à Plattsburgh. Sinon tout cela se serait fait à La Pocatière. C’est une pratique courante de gouvernements qui défendent l’intérêt économique de leur nation, que de poser des gestes raisonnables, structurants pour leur économie », a ajouté le chef péquiste.
Le protectionnisme : mauvais aux États-Unis, bon au Québec?
Pour M. Leitao, « Ce que le Parti québécois est en train de suggérer, c’est qu’on devrait combattre le protectionnisme par du protectionnisme. Moi, ça me surprend beaucoup de la part d’une formation politique qui depuis les années 1980 était très en faveur de l’ouverture des marchés ». Le ministre des Finances déplore aussi l’approche « agressive et de contestation » qu’affiche le chef péquiste face à l’administration américaine de Donald Trump ».
« Les Américains ont élu Donald Trump, c’est leur affaire, cela dit, nous, sur le plan économique, on doit agir dans ce nouveau contexte-là, et la principale chose qui va se produire c’est la renégociation de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA), et la pire chose qui puisse arriver, c’est qu’on se présente à la négociation sans avoir nos propres demandes, parce que lui, M. Trump, il va en avoir des demandes», a poursuivi M. Lisée, estimant que le gouvernement libéral était « très faible dans sa préparation ».
Leitao a rappelé que le gouvernement Couillard souhaitait participer à une éventuelle renégociation de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA), tel que réclamée par la nouvelle administration Trump. « Je pense que le gouvernement fédéral est ouvert à ça (…) Je n’entrevois pas d’obstacle », a-t-il affirmé.
Québec continue de parler aux Américains
Leitao a indiqué que le gouvernement du Québec discutait beaucoup avec les Américains pour leur faire valoir « les bénéfices » qui découlent de leurs relations commerciales avec le Canada. Québec souhaite aussi approfondir ses relations avec les élus et les entreprises des grandes villes et des États américains où les échanges sont déjà nombreux.
« Le travail de base doit se faire de façon efficace, sans grand excès de déclarations (pompeuses), ça doit se faire sur le terrain, ce que nous faisons déjà. Nous avons déjà augmenté les ressources humaines et financières des délégations générales du Québec aux États-Unis pour accélérer ce travail-là », a-t-il expliqué en entrevue.
Le ministre québécois voit aussi d’un bon oeil l’approche privilégiée par le gouvernement canadien, qui s’adresse particulièrement aux milieux d’affaires « qui sont très intéressés à maintenir les échanges bilatéraux commerciaux ».
Selon M. Lisée, le gouvernement libéral est le « champion du non-nationalisme économique », soutenant que celui-ci n’a fait aucun geste pour garder les sièges sociaux au Québec, et qu’il a investi 1 milliard $ dans Bombardier « sans demander de garanties contre la perte d’emplois ou la délocalisation ».
En juin 2016, Bombardier avait indiqué que « le siège social, l’assemblage, la fabrication, les services d’ingénierie et les activités (de recherche et de développement) de la Société en commandite Avions C Series seront conservés au Québec pendant au moins 20 ans ».
(Avec La Presse Canadienne)
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