Pour la présidente de l’Ordre des infirmières, c’est « du jamais vu ». Poussées dans leurs derniers retranchements, des infirmières épuisées dénoncent leurs propres actes ou décisions au travail. Elles se disent alarmées par les dangers qu’elles font courir à leurs patients en raison de la détérioration de leurs conditions de travail.
La présidente de l’Ordre des infirmières, Lucie Tremblay, qui représente 74 500 infirmières au Québec, affirme que « ça crie de partout ».
Depuis le début janvier, ces cris s’élèvent effectivement de partout, notamment sur les réseaux sociaux où des infirmières, à bout, bravent les risques de représailles de leur employeur pour alerter la population.
Parmi les situations malsaines : heures supplémentaires obligatoires, surcharge de travail, infirmières affectées à des tâches autres que les soins infirmiers, etc.
Revoir coûte que coûte les ratios infirmière-patients
Au début décembre, la Fédération interprofessionnelle de la santé, qui regroupe près de 75 000 membres, soit la grande majorité des infirmières et infirmiers auxiliaires du Québec, lançait cet avertissement : « Les infirmiers ont leurs quotas. »
Leurs syndicats se battent donc bec et ongles pour obtenir un ratio infirmière/patients, établissement par établissement, partout au Québec, afin d’offrir des soins plus humains et sécuritaires.
Interpellé, le ministre québécois de la Santé, le Dr Gaëtan Barrette, promettait la semaine dernière d’embaucher 2000 infirmières de plus. S’il affirme que son ministère est en période de recrutement, il reconnaît que son ministère peine à embaucher des infirmières, notamment en raison du climat, qu’il qualifie de négatif.
ÉcoutezLe danger pour la santé et la vie des patients des heures supplémentaires obligatoires
Au Québec, lorsque le nombre d’heures supplémentaires des infirmières augmente de 5 %, le risque de mortalité des patients grimpe quant à lui de 3 %, révèle une étude.
Ce lien de cause à effet renversant vient d’être mis en lumière dans une étude menée par l’Université de Sherbrooke et l’Université McGill. Elle montre que la gestion des heures de travail du personnel infirmier a un impact majeur sur la détérioration des soins offerts au patient.
Le professeur Christian Rochefort, ancien cadre dans le réseau de la santé, et aujourd’hui professeur adjoint à la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université de Sherbrooke, démontre qu’une augmentation, même marginale, des heures supplémentaires fait grimper le risque de mortalité du patient.
Le professeur Rochefort rappelle que des règles de sécurité empêchent les camionneurs de conduire au-delà d’un certain nombre d’heures. C’est la même chose pour les pilotes d’avion. Il se demande alors pourquoi le travail des infirmières n’est pas mieux réglementé. « Les infirmières, ce n’est pas banal, ce qu’elles font. Elles donnent des soins, elles jouent avec des médicaments, elles s’occupent de gens qui ont des problématiques de santé complexes. »
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RCI avec La Presse canadienne et la contribution de Véronique Prince, Vincent Maisonneuve, Nathalie Lemieux, Florence Ngué-No et de Claude Bernatchez de Radio-Canada
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