Les négociations de l’ALENA ont finalement connu leur aboutissement dimanche soir après 14 mois de discussions. Le nom Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) a été modifié pour Accord États-Unis-Mexique-Canada (AEUMC).
La ministre canadienne des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, et le secrétaire américain au Commerce, Robert Lighthizer, ont publié dimanche soir une déclaration conjointe annonçant le nouvel accord.
Il repose essentiellement sur un compromis entre un meilleur accès des États-Unis au marché canadien des produits laitiers, qui est fortement protégé par un système de gestion de l’offre, et les demandes canadiennes de maintien d’un processus de règlement des différends.
« Aujourd’hui, le Canada et les États-Unis ont conclu, avec le Mexique, un accord qui donnera à nos travailleurs, agriculteurs, éleveurs et entreprises un accord commercial de haut niveau qui se traduira par des marchés plus libres, un commerce plus équitable et une croissance économique robuste dans notre région. »
« C’est un bon jour pour le Canada », a déclaré le premier ministre Justin Trudeau en quittant une réunion de son Cabinet à Ottawa, tard dimanche soir.
« On va en parler demain, a-t-il ajouté avant de s’engouffrer dans sa voiture. On va en parler demain, promis. »
Un responsable de l’administration américaine a dit que MM. Trudeau et Trump et le président mexicain Enrique Pena Nieto signeront l’AEUMC à la fin du mois de novembre. Il appartiendra ensuite au prochain Congrès américain de ratifier l’accord.
Protection contre les sautes d’humeur de Washington
Les deux parties se sont entendues sur un mécanisme de résolution des conflits similaires à ce qui était dans l’ALENA, selon Daniel Ujczo, un avocat en droit commercial international qui représente les constructeurs automobiles américains et les fabricants de pièces automobiles.
Les deux parties ont convenu de garder intact le chapitre 19, le mécanisme de règlement des différends de l’ALENA. C’est une grande victoire pour les négociateurs canadiens qui cherchent depuis longtemps à maintenir une sorte de procédure pour contester les affaires de droits antidumping et compensateurs, que le Canada a déployée dans le passé dans le dossier du bois d’oeuvre.
Le chapitre 19 sera conservé mot pour mot, même s’il sera renuméroté dans le nouvel accord, ont annoncé dimanche des responsables américains.
Le Canada cherchait à obtenir des garanties pour ne pas être frappé par des droits de douane, en vertu de l’article 232 sur les exportations d’acier, d’aluminium et d’automobiles, que le président américain Donald Trump a imposé ou menacé d’imposer pour des raisons de sécurité nationale.
Un responsable de l’administration Trump a fait demi-tour dimanche quand on lui a demandé si préserver le chapitre 19 était une victoire pour le Canada. « De notre point de vue, nous pensons qu’il y a vraiment, vraiment de très bonnes choses dans cet accord. Nous sommes enthousiasmés par ces aspects », a déclaré le responsable.
« C’est une grande victoire pour les États-Unis, le Mexique et le Canada. C’était l’une des promesses de campagne les plus importantes du président, a dit un haut responsable de l’administration Trump. Nous pensons qu’il s’agit d’un accord fantastique. C’est une grande victoire pour le président et une validation de sa stratégie dans le domaine du commerce international. »
Concessions du Canada
Les changements sont surtout de nature cosmétique sur le commerce canado-américain. Le Canada aurait fait toutefois des concessions sur l’accès au marché laitier qui sont légèrement plus élevées que dans le cadre de l’Accord global et progressif de partenariat transpacifique.
Comme le note le New York Times, cette concession du Canada est donc semblable à ce que les États-Unis auraient obtenu grâce au Partenariat transpacifique, un traité commercial dont Trump s’était retiré l’an dernier.
Le chapitre 19, le mécanisme de règlement des différends, qui constituait un point de friction important dans les négociations, sera aussi maintenu sans aucun changement comme le réclamait le Canada.
En ce qui concerne les droits de douane sur l’acier et l’automobile, les responsables américains affirment qu’ils feront l’objet d’une future négociation et d’un accord parallèle.
Une révision de l’accord aura lieu tous les six ans, ont dit les responsables.
Brèche dans la gestion de l’offre
Le Canada a donc ouvert une brèche dans son régime agricole de gestion de l’offre similaire à celle qui avait été accordée dans l’Accord de Partenariat transpacifique (PTP).
Le PTP avait ouvert 3,25 % du marché des produits laitiers à la concurrence européenne.
En échange de certaines concessions américaines sur un mécanisme de règlement des différends, le Canada devrait donner aux agriculteurs américains un meilleur accès à son marché en augmentant le quota d’importations étrangères.
Dans le système actuel de gestion de l’offre, le Canada impose des droits de douane sur les importations de produits laitiers pouvant aller jusqu’à 300 % qui dépassent le quota établi. Le gouvernement fédéral prévoit indemniser les agriculteurs qui seront touchés.
S’il a fait des concessions sur la gestion de l’offre, le Canada a toutefois pu conserver l’exemption culturelle, qui est en quelque sorte un rempart pour protéger le secteur de la culture canadienne.
Les concessions dans la gestion de l’offre pourraient être un problème politique
Une partie de ce que le Canada a accepté pourrait être un défi politique pour le gouvernement libéral, en particulier au Québec, où les producteurs laitiers exercent un pouvoir électoral dans certaines circonscriptions.
Le Canada a notamment accepté de mettre fin à ce qu’on appelle la tarification de classe 7, une classe de lait créée en mars 2017 qui a réduit les prix de certains ingrédients laitiers produits au Canada comme les concentrés de protéines, le lait écrémé et le lait entier en poudre utilisés pour faire du fromage et du yaourt. La réduction de prix coordonnée a rendu les équivalents américains non compétitifs.
Les responsables de l’administration Trump ont insisté sur ce changement dimanche, le présentant comme une avancée majeure pour les agriculteurs américains, en particulier dans le Wisconsin et à New York, où les producteurs laitiers souhaitent décharger une partie de leurs produits au Canada parce qu’ils sont aux prises avec un grave problème de surproduction.
Au début des pourparlers sur l’ALENA, les États-Unis avaient demandé au Canada de démanteler entièrement la gestion de l’offre – ce que Trudeau a toujours soutenu était impossible. Sa préservation, à l’exception de quelques ajustements, sera présentée comme une réussite par les libéraux au pouvoir.
À moins de 24 heures de la 42e élection générale au Québec, les leaders des quatre principaux partis politiques s’inquiétaient dimanche de possibles concessions canadiennes sur la gestion de l’offre, comme une entente semblait à portée de main.
Philippe Couillard, le premier ministre du Québec, avait commenté en ces termes l’état des négociations de l’ALENA à son arrivée à son local électoral de Roberval, dimanche après-midi : « On ne laissera rien passer. »
RCI avec La Presse canadienne, Reuters, CBC et Radio-Canada
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