La deuxième province la plus populeuse au pays, avec 8,4 millions de citoyens, vient de dépasser le cap des 75 000 infirmières inscrites à l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ). L’année précédente, elles étaient 74 254. Il ne s’agit donc que d’une faible augmentation de moins de 1 %.
Cette faible hausse masque à peine la grave pénurie de personnel infirmier qui existe au Québec et dans d’autres provinces canadiennes.
L’an dernier, par exemple, une trentaine d’infirmiers et infirmières ont été recrutés lors d’une mission en France par le Centre hospitalier universitaire de Montréal. Mais les objectifs du CHUM de trouver une centaine de candidats en France n’ont pas été atteints.
« Ça augmente d’année en année, de petites augmentations, mais on reste en augmentation », répliquait en entrevue Daniel Marleau, analyste en intelligence d’affaire à l’OIIQ, mardi.
– 398 845 des infirmières et infirmiers réglementés possédant un permis d’exercice au Canada ont dit être employés dans leur profession.
– La croissance annuelle de l’effectif infirmier réglementé a ralenti à moins de 1 %, presque la même chose qu’au Québec, soit le niveau le plus faible au cours des 10 dernières années.
De trop faibles augmentations : une menace à la santé des patients
En révélant ses chiffres, l’Ordre n’a pas voulu raviver une dispute politique qui grondait depuis plusieurs mois sous le gouvernement provincial libéral, défait il y a trois semaines. Il ne se prononce pas quant à savoir s’il y a ou non pénurie d’infirmières.
« Une pénurie, c’est une différence négative entre l’offre et la demande. Nous, on ne chiffre pas la demande de soins. On ne chiffre pas les postes vacants. Nous, tout ce qu’on chiffre, c’est l’offre. Et l’offre est en croissance. Il y a plus d’infirmières qui donnent des soins. Est-ce que c’est suffisant pour rencontrer les besoins et la croissance de ces besoins? Ça, on n’a pas cette réponse-là », a expliqué le porte-parole Daniel Marleau.
En janvier dernier pourtant, la présidente de l’OIIQ, Lucie Tremblay, affirmait que « ça crie de partout ». Parmi les situations malsaines qu’elle mentionnait : heures supplémentaires obligatoires, surcharge de travail, infirmières affectées à des tâches autres qu’aux soins infirmiers, etc.
Voyez l’impact sur notre santé des conditions de travail difficiles des infirmières
Le danger pour la santé et la vie des patients des heures supplémentaires obligatoires
Au Québec, lorsque le nombre d’heures supplémentaires des infirmières augmente de 5 %, le risque de mortalité des patients grimpe quant à lui de 3 %, révèle une étude récente menée par l’Université de Sherbrooke et par l’Université McGill. Elle montre que la gestion des heures de travail du personnel infirmier a un impact majeur sur la détérioration des soins offerts au patient.
Le professeur Christian Rochefort, ancien cadre dans le réseau de la santé, et aujourd’hui professeur adjoint à la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université de Sherbrooke, démontre qu’une augmentation même marginale des heures supplémentaires fait grimper le risque de mortalité du patient.
Le professeur Rochefort rappelle que des règles de sécurité empêchent les camionneurs de conduire au-delà d’un certain nombre d’heures. C’est la même chose pour les pilotes d’avion. Il se demande alors pourquoi le travail des infirmières n’est pas mieux réglementé. « Les infirmières, ce n’est pas banal, ce qu’elles font. Elles donnent des soins, elles jouent avec des médicaments, elles s’occupent de gens qui ont des problématiques de santé complexes. »
De faibles augmentations de personnel qui sont tout de même positives
Une tendance à la hausse reste une bonne affaire, affirme de son côté le syndicat des infirmières. Les chiffres de l’OIIQ sont une excellente nouvelle, se réjouit Nancy Bédard, présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé, l’organisation syndicale qui représente la grande majorité des infirmières au Québec.
« Malgré toutes les années difficiles qu’on vient de passer, avec la réalité de la pratique actuelle, qui comporte de grands défis, c’est vraiment bien qu’autant de gens viennent encore dans la profession », a souligné la dirigeante syndicale.
Elle s’empresse d’ajouter un bémol : vont-elles venir pratiquer dans le réseau public, là où les besoins sont grands. « Le défi c’est de rendre le réseau public de santé attractif et de s’assurer qu’il y a un maximum de ces professionnelles en soins qui vont venir travailler dans ce réseau-là. »
Et pour rendre le réseau public plus intéressant, il faut diminuer la charge de travail des infirmières et le recours aux heures supplémentaires obligatoires, plaide Mme Bédard.
RCI avec La Presse canadienne et la contribution de Véronique Prince, Vincent Maisonneuve, Nathalie Lemieux, Florence Ngué-No, Claude Bernatchez et Jhade Mompetit de Radio-Canada
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