Après la sortie de l’archevêque de Montréal, Christian Lépine, sur la façon d’élucider le dossier de la pédophilie des prêtres catholiques, les victimes se disent déçues de sa proposition de confier l’enquête à une juge choisie par l’église.
L’église ne saurait enquêter sur l’église
L’archevêque de Montréal, Mgr Christian Lépine, a fait part de la volonté de mener une vaste enquête pour élucider le scandale de pédophilie ayant impliqué des prêtres catholiques depuis les années 1950, dans la grande région de Montréal.
C’est la Juge à la retraite, Anne-Marie Trahan, qui est chargée d’ouvrir cette enquête. Elle va constituer une équipe à cette fin. Ses travaux vont commencer dès l’automne prochain et vont durer de 18 à 24 mois. Ils vont couvrir notamment des diocèses de Montréal, de Valleyfield, de Saint-Jérôme, de Saint-Jean–Longueuil et Joliette.
Mgr Lépine soutient qu’une telle enquête a pour but de voir « comment on peut aller de l’avant et travailler sur la confiance du public vis-à-vis de l’église », car cette confiance s’est érodée au fil des ans.
C’est avec une extrême prudence que le Comité des victimes a accueilli cette nouvelle.
Son porte-parole, Carlo Tarini, soutient qu’il serait plus pertinent de mettre sur pied une commission d’enquête publique, indépendante, qui ferait preuve de plus de neutralité dans ce dossier, qui a longtemps cristallisé les attentions au pays, comme ailleurs dans le monde, où des prêtres ont eu à s’illustrer négativement par des agressions sexuelles contre de très jeunes enfants.
Les victimes souhaiteraient une commission d’enquête apte à travailler de façon libre et autonome, sans avoir à faire face à quelque tentative de manipulation que ce soit, pour véritablement parvenir à éclairer le public, en faisant la lumière sur cette page sombre de l’histoire de l’Église catholique.
C’est après un processus transparent et impartial que les victimes pourraient espérer une réparation à la hauteur des souffrances qu’elles ont subies, et qui continuent de troubler leur existence jusqu’aujourd’hui.
« Je ne connais pas d’administration où le PDG doit choisir une personne proche pour enquêter sur ses agissements. Cette juge retraitée est nommée par Mgr Lépine […] » a déploré M. Tarini.
Les responsables provinciaux hostiles?
Interrogée sur la pertinence d’une commission d’enquête publique pour mener à bout ce dossier, la ministre de la Justice, Sonia LeBel, a été claire, en annonçant qu’on « ne croit pas qu’une commission d’enquête publique soit appropriée », car elle ne « sert pas toujours l’intérêt des victimes ».
Selon la ministre, une commission d’enquête nationale serait « inutilement longue et coûteuse »,
« Une commission d’enquête c’est une grosse machine, ça coûte beaucoup de sous », a affirmé Sonia Lebel.
Soulignant que le gouvernement, par le biais de différents organismes, fournit déjà de l’aide aux victimes de prêtres pédophiles, la ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, a tout de même salué l’initiative de l’archevêque de Montréal. Comme la ministre de la Justice, elle soutient qu’il serait important d’observer le déroulement de l’enquête annoncée par l’archidiocèse de Montréal, avant de pouvoir se prononcer sur la nature de l’appui susceptible d’être fourni par Québec.
La question de la pédophilie impliquant le clergé se pose à l’échelle du monde. Il y a eu des dénonciations aux États-Unis, en France, en Irlande, en Allemagne, etc., où des travaux ont été menés et ont conduit à la production de rapports et autres recommandations pour prévenir un tel crime dans le milieu ecclésiastique, pourtant le fléau est loin d’être entièrement banni.
Le Pape François a récemment convoqué une grande réunion dans le but de réfléchir sur ce mal profond qui gangraine, et qui ternit l’image de l’Église catholique partout dans le monde, y compris au coeur même de ses institutions, au Vatican.
En lançant son initiative, l’archevêque de Montréal a soutenu qu’il « faut ouvrir la plaie pour pouvoir la traiter et en tirer des leçons ». Mais, au regard des critiques soulevées par les victimes, il serait peut-être opportun de décider d’un commun accord de la meilleure façon d’aborder l’enquête pour espérer une meilleure réconciliation.
RCI avec Radio-Canada
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