N’en déplaise aux sceptiques, la fonte des glaces est réelle. Il est désormais possible de la mesurer facilement grâce aux satellites, aux stations météo et aux modèles climatiques sophistiqués.
Une étude parue lundi dans les Comptes rendus de l’Académie américaine des sciences (PNAS) nous apprend que dans les années 1970, le Groenland a gagné 47 gigatonnes de glace par an en moyenne (Gt/an), avant d’en perdre un volume équivalent dans les années 1980.
La fonte s’est poursuivie à ce rythme dans les années 1990, avant de s’accélérer grandement à partir des années 2000 (187 Gt/an) et surtout depuis 2010 (286 Gt/an).
Selon les chercheurs, la glace fond au Groenland six fois plus vite aujourd’hui que dans les années 1980. Ils ajoutent qu’à elle seule, cette fonte aurait contribué à faire monter le niveau des océans de 13,7 millimètres depuis 1972.
« La fonte glaciaire observée depuis huit ans est équivalente à celle des quatre décennies précédentes », affirme la chercheuse Amber Leeson, de l’Université de Lancaster.
Nouveaux calculs
Mme Leeson et ses collègues ont recalculé la perte de glaces depuis 1972, date de la mise en orbite des premiers satellites Landsat ayant photographié régulièrement le Groenland.
C’est que, si les scientifiques pouvaient évaluer la fonte des glaces survenue dans les années 1990 et 2000, pour les décennies précédentes, leurs estimations étaient peu fiables. La raison? Les satellites et autres technologies de mesures de l’époque étaient moins avancés.
Partant de modestes données sur les années 1970 et 1980 (photos satellites de moyenne résolution, photos aériennes, carottages de neige et autres observations de terrain), les chercheurs ont pu remonter dans le temps et reconstruire en détail la glace du Groenland de cette époque.
« Quand on regarde sur plusieurs décennies, il vaut mieux s’asseoir sur sa chaise avant de regarder les résultats, parce que ça fait un petit peu peur de voir à quelle vitesse ça change », affirme le glaciologue français Éric Rignot de l’Université de Californie à Irvine, coauteur de l’étude avec des collègues en Californie, à Grenoble, à Utrecht et à Copenhague.
« C’est aussi quelque chose qui affecte les quatre coins du Groenland, pas juste les parties plus chaudes au Sud », ajoute-t-il.
Trois méthodes
Pour mesurer la fonte glaciaire, les glaciologues se servent essentiellement de trois méthodes. D’abord, des satellites mesurent tout simplement l’altitude, et ses variations, grâce à un laser. Si un glacier fond, le satellite voit son altitude baisser.
Ensuite, depuis 2002, grâce à des satellites de la NASA, ils peuvent mesurer les modifications de gravité terrestre. Les montagnes étant presque immobiles, ce sont les mouvements et transformations de l’eau qui les expliquent.
La troisième méthode consiste à comparer les quantités de précipitations qui s’accumulent sur le Groenland sous forme de pluie et de neige à celles qui en sortent sous forme de rivières de glace. On détermine ainsi ce qui en reste.
Selon Éric Rignot, ces modèles, confirmés avec des mesures de terrain, sont devenus très fiables depuis le milieu des années 2000. Il parle d’une précision de l’ordre de 5 à 7 % de marge d’erreur, contre 100 % il y a quelques décennies. « On a ajouté un petit morceau d’histoire qui n’existait pas », se réjouit-il.
Colin Summerhayes, du Scott Polar Research Institute à Cambridge, a salué cette recherche. « C’est un travail excellent, par une équipe de recherche bien établie qui utilise des méthodes nouvelles pour extraire plus d’informations des données disponibles », a-t-il dit.
Comme un travail similaire de la même équipe pour l’Antarctique, la nouvelle étude offre un contexte plus long à la fonte rapide observée au Groenland ces dernières années.
(Avec l’AFP)
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