L’autodétermination dans le Nord circumpolaire vue par les Inuits et les Samis
Pour parvenir à l’autodétermination, les Samis de Norvège et les Inuits du Nord canadien auraient tout avantage à s’inspirer de leur parcours respectif, selon une récente étude menée par deux chercheurs canadien et norvégien.
« Nous avons réalisé que dans les deux cas, [ces peuples] ont tendance à s’appuyer sur différentes dimensions de l’autodétermination », mentionne Gary N. Wilson, coauteur de l’étude et professeur au Département de science politique de l’Université du Nord de la Colombie-Britannique, dans l’Ouest canadien.
L’analyse des deux chercheurs, publiée mardi sur le site web de l’Institut de recherche en politiques publiques, un centre de recherche canadien, identifie les parcours respectifs qu’ont adoptés les Inuits du Nord canadien et les Samis de Norvège.
Autonomie gouvernementale
L’étude rapporte que les Inuits de l’Arctique canadien sont parvenus à gagner en autonomie grâce à leurs décisions politiques aux échelles locale et régionale. Au sein d’un gouvernement fédéral, ils ont créé leurs propres institutions de gouvernance régionale pour négocier différentes ententes de revendications territoriales.
À l’heure actuelle, les Inuits du Nord canadien habitent majoritairement dans l’Inuit Nunangat, l’appellation utilisée par les Inuits pour désigner leurs quatre régions distinctes : la région désignée des Inuvialuit (nord-ouest du Canada), le Nunavut (Extrême-Arctique), le Nunavik (nord du Québec) et le Nunatsiavut (nord de Terre-Neuve-et-Labrador).
Selon Gary N. Wilson, l’engouement du gouvernement canadien pour l’exploitation des ressources naturelles dans les années 1970 a été le point de départ de la lutte des Inuits pour conserver leurs droits sur leurs terres. Il cite, à titre d’exemple, leur combat contre le projet hydroélectrique de la Baie-James, dans le Nord québécois, ou celui du pipeline de la vallée du Mackenzie, dans les Territoires du Nord-Ouest.
Partage des pouvoirs
À l’inverse des Inuits, les Samis norvégiens sont directement intégrés dans des institutions de gouvernance nationale. Selon l’étude, ce modèle repose sur un partage des pouvoirs entre les communautés samies et les gouvernements non autochtones. Depuis 1989, les Samis disposent d’ailleurs de leur propre Parlement, le Sámediggi, qui détient des pouvoirs liés notamment à l’éducation, à la langue, au patrimoine culturel et à la protection de l’environnement.
Même si les Inuits et les Samis ont une manière différente de parvenir à l’autodétermination, en raison notamment des disparités de leur appareil gouvernemental respectif, ils présentent plusieurs similarités historiques « sur la façon dont le Canada et la Norvège ont eu un impact négatif sur leur langue et leur culture », explique le chercheur canadien, en entretien téléphonique avec Regard sur l’Arctique.
Plusieurs mouvements en faveur des droits civiques, de la décolonisation et du changement social ont vu le jour dans les années 1960 et 1970. « Les Inuits du Canada ont été inspirés par les avancées acquises dans d’autres régions du Nord circumpolaire, particulièrement dans le nord de l’Alaska et au Groenland, où les populations inuites ont obtenu une plus grande autonomie de leur gouvernement non autochtone », souligne l’étude.
S’inspirer l’un de l’autre
« Les deux pays tentent de trouver un équilibre entre l’autonomie et le partage des pouvoirs », affirme Gary N. Wilson, en faisant référence au Comité de partenariat entre les Inuits et la Couronne qui réunit, depuis sa création en 2017, des représentants du gouvernement fédéral et ceux des régions inuites du Canada. Le chercheur cite aussi le Finnmark Estate, l’agence de gestion territoriale du comté de Finnmark, la région la plus septentrionale de la Norvège. L’organisme est formé à la fois de représentants du Parlement sami et du Conseil du comté de Finnmark.
Le chercheur croit toutefois que les deux peuples auraient avantage à s’inspirer davantage l’un de l’autre. « [Les Samis norvégiens] n’ont pas fait tant de progrès en matière d’autonomie gouvernementale à l’échelle régionale, pense-t-il. Ils pourraient s’inspirer des traités de revendications territoriales des Inuits [du Nord canadien] par exemple. »
Gary N. Wilson s’interroge sur la manière dont pourraient s’inspirer les Premières Nations des Inuits dans la signature de revendications territoriales, ou encore, sur la forme que pourrait prendre un Parlement autochtone au Canada. « Quels types de pouvoirs détiendrait-il et quels liens entretiendrait-il avec le gouvernement fédéral? », se questionne le chercheur, qui prépare un livre sur l’autodétermination des Inuits du Nunatsiavut, du Nunavik et de la région désignée des Inuvialuit.
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