Le réchauffement climatique dans l’Arctique coûtera plusieurs milliards de dollars à la planète
Le dégel du pergélisol et l’absorption du rayonnement solaire dans les sols accéléreront le réchauffement climatique et porteront à près de 70 milliards de dollars américains la facture climatique internationale, conclut une récente étude britannique.
« Le réchauffement observé dans l’Arctique a de profondes conséquences sur la planète, en particulier sur la fonte du pergélisol […] puisqu’il libère du dioxyde de carbone et du méthane dans l’atmosphère, ce qui fournit un apport supplémentaire de gaz à effet de serre et accélère le changement climatique anthropique », explique l’associé principal de recherche au Centre pour l’environnement de l’Université de Lancaster, au Royaume-Uni, et auteur principal de l’étude, Dmitry Yumashev.
Une équipe de chercheurs issus d’universités du Royaume-Uni, des États-Unis, d’Allemagne et d’Espagne s’est penchée sur l’impact économique planétaire de la hausse des températures dans l’Arctique. « Aucune étude ne s’était concentrée précisément sur cette composante », affirme Dmitry Yumashev, en entrevue téléphonique avec Regard sur l’Arctique. Les conclusions des scientifiques sont réunies dans une étude parue mardi dans la revue scientifique Nature Communications.
Boucle climatique
« Comment deux rétroactions climatiques, en l’occurrence le dégel du pergélisol et la réduction de l’effet albédo, évoluent-elles à mesure que le climat change? », se sont initialement interrogés les chercheurs. « Elles changent de manière très complexe, c’est-à-dire qu’elles ne font pas que croître proportionnellement au climat », répond Dmitry Yumashev.
La rétroaction climatique correspond au mécanisme par lequel le changement d’une composante du climat entraîne une succession de réactions en chaîne avant d’agir en retour sur le processus initial. La rétroaction peut être positive si elle amplifie le changement, ou négative si au contraire elle l’atténue. « Ici, c’est un processus physique qui amplifie les effets du réchauffement climatique causé par les émissions [de CO2 causées par l’homme] », résume le chercheur, en citant l’exemple de l’effet albédo, un phénomène qui permet de mesurer la capacité d’une surface terrestre à refléter la lumière et la chaleur.
La réduction de l’effet albédo, causée par la hausse des températures, diminue la réflexion des rayons du soleil sur les glaces polaires. La Terre absorbe ainsi davantage la chaleur et se réchauffe plus rapidement.
Une facture salée
En se basant sur plus d’une trentaine de modèles informatiques liés au climat et au pergélisol, les scientifiques ont mis en évidence trois scénarios distincts s’échelonnant de 2015 à 2300.
« Bien que de très longues projections comme celle-ci puissent sembler sans importance du point de vue des processus socio-économiques actuels, les contraintes technologiques, démographiques et [celles liées] aux ressources impliquent que l’éventail de scénarios reste plausible au-delà du 21e siècle », rapporte l’étude.
L’impact économique des changements climatiques s’élèvera à près de 34 milliards de dollars si les pays signataires de l’Accord de Paris sur le climat respectent leur engagement de limiter le réchauffement climatique à un seuil maximal de 2 degrés Celsius par rapport à l’ère préindustrielle d’ici la fin du siècle. Cette hypothèse impliquerait une hausse globale des températures de 5,5 %, selon l’étude.
Le scénario le moins coûteux parmi leurs trois projections, relève Dmitry Yumashev, serait celui du maintien des températures sous la barre de 1,5 degré Celsius, où les coûts estimés avoisineraient les 25 milliards de dollars.
Si toutefois les niveaux d’atténuation des changements climatiques restaient conformes aux engagements nationaux actuels, la facture climatique grimperait jusqu’à environ 70 milliards de dollars.
« Tous ces scénarios sont possibles », croit le chercheur, en précisant que plusieurs variables auront sans aucun doute un impact sur leurs estimations, comme le rythme de la croissance de la population mondiale, l’évolution des écarts de richesse, les modèles économiques ou encore les variations des modes de consommation.
« Évidemment, plus on avance dans le temps, plus les effets à long terme sont incertains », admet Dmitry Yumashev.
Point de non-retour
Quant aux optimistes qui s’interrogent sur les coûts qu’aurait un monde sans émission de CO2, le portrait que dresse l’étude se montre plus dramatique. « Même si nous ralentissons le réchauffement climatique de manière considérable et que nous parvenons à renverser la tendance, nous avons déjà enclenché le dégel du pergélisol », souligne le chercheur. En d’autres termes, il est déjà trop tard, poursuit-il.
L’équipe de chercheurs souhaiterait élargir son cadre d’analyse en incluant d’autres cas de rétroaction climatique « pour avoir un débat plus éclairé avec des gouvernements, des entreprises et des citoyens ».
« Chaque jour de ‘procrastination climatique’, nous réduisons nos chances de rester sous notre objectif [du seuil] de 1,5 degré Celsius », prévient Dmitry Yumashev.